La créature traînait sa carcasse maladive sur les dalles de marbres brisées de ce qui était sans doutes l'un des plus beau édifices de ce qu'on appelle aujourd'hui les Terres Fantômes. Elle se dirigeait vers le cadavre d'un animal, affamée, ne voyant pas la silhouette qui la suivait dans l'ombre. La lumière de la pleine lune se reflétait sur l'acier de la lame que tenait l'inconnu. Alertée par un bruit à peine perceptible, le monstre sortit ses dents pourries de la charogne, se retourna et poussa un hurlement de colère en voyant l’intrus. La lame fendit l'air. Le prédateur s’effondra sur son repas. Les cris de transformèrent en gargouillis alors que du sang giclait de sa gorge ouverte. Puis le silence revint.
Narhilm marchait lentement dans les ruelles de Lune-d'Argent vers la place principale. Le soleil venait à peine de se montrer que déjà l'endroit s'animait. Quelques elfes de basse condition s'employaient à ensorceler des balais afin qu'ils tiennent propres les pavés vermillons, une troupe de jeune femmes gloussaient autour d'un chevalier dont l'armure étincelante n'avait sans doutes jamais vue un combat, des courtisanes au vêtements aguicheurs interpellaient les hommes pour les attirer dans la taverne qui les employaient et deux magistères qui se souciaient sans doutes plus de leurs place privilégiée que des réels problèmes de la ville discutaient avec un air grave.
Ici, aucun roturier s'écartant humblement du chemin d'un noble, ni de gardes faisant baisser la tête à quelqu'un dont la conscience n'était pas en paix et encore moins de mendiant suppliant les passant pour quelque piécettes. Ici, tous marchaient tête haute en arborant un air suffisant et dédaigneux qu'on attribue plus souvent aux grands seigneurs.
C'est pour cette raison que la cité des elfes écœurait au plus haut point l'assassin dont l'aversion pour les acteurs de cette mascarade quotidienne avait finit par découler sur cette race toute entière. Mais la plupart le lui rendaient bien, car malgré les années, les conséquence du fléau mort-vivant pesaient encore lourd sur la vie de Sin'dorei qui vouaient à ces abominations une haine encore plus ardente que les autres peuples, haine qui découlait parfois à tort sur les réprouvés qu'ils accueillaient avec des regards méprisants et des messes basse peu flatteuses.
Mais bien qu'il rêvait de sortir ses lames pour prouver à tous que leur sang qu'ils se complaisent à croire bleu coulait aussi bien qu'un autre, il était en ville pour affaires et il comptait les mener à bien. Il finit par trouver ce qu'il cherchait. C'était une petite porte dans une impasse étroite. Narhilm y frappa deux fois puis une et à nouveaux deux et le battant s'écarta lentement sur un couloir bas dans lequel il s’engouffra.
Le corridor débouchait sur une petite salle circulaire dans laquelle un valet elfe à l'air nerveux attendait derrière un comptoir. Il suivait de son regard vert le mort-vivant qui s'approchait avec un dégoût à peine masqué. Le domestique loucha ensuite sur le petit objet brillant que le réprouvé avait posé devant lui. C'était un médaillon en or taché de sang représentant un faucon-dragon aux ailes déployées. L'elfe écarquilla les yeux, pris le médaillon en main sans pouvoir retenir un pincement de nez et se dirigea vers un rideau contre un mur en s'inclinant d'un air faussement respectueux pour inviter Narhilm à traverser l'entrée qu'il masquait. Sans se faire prier d'avantage, le non-mort écarta tissus pour pénétrer dans une seconde pièce qui agressa aussitôt ses sens. L'endroit était emplit d'un mélange de fumées odorantes recrachée par des nobles affalés sur des canapés ou plongés dans des bains chaud qui faisaient régner une chaleur humide désagréable.
A travers cette brume opaque, la faible lueur des cristaux arcaniques devenait éblouissante et le tintement constant qu'ils émettaient et qui ne semblait pas gêner les habitués agaçait fortement l'arrivant. Le valet le dépassa en courant presque et le guida à travers les gens de haute lignée de la ville qui se vautraient dans la luxure sans même prêter attention à eux. Il arrivèrent face à un elfe à moitié dévêtu qui se prélassait sur un divan avec à son bras droit enroulé autour des épaules d'une jeune femme et le gauche autour de celles d'un jeune homme. Le serviteur déposa le bijoux ensanglanté près de lui et se retira dans une révérence.
- Merveilleux, finit par dire l'elfe allongé après avoir longuement observé le médaillon en caressant du bout des doigts celui identique qu'il portait autour du cou.
- Mon argent, Seigneur Velenor, répondit le réprouvé d'un ton neutre.
- Attends ! Je veux d'abord savoir comment ça s'est passé.
- Si ce sont les service d'un conteur que vous vouliez, vous avez mal choisi celui que vous engagiez.
- Pas besoin d'histoire épique ou de récit trépident, j'ai toute la distraction qu'il me faut ici sans avoir besoin d'un barde.
Le noble rit en claquant sa main sur la croupe de la courtisane à ses côtés sans la moindre retenue avant de reprendre.
- Je veux juste savoir dans quel état tu l'as trouvé.
- Il était aux terres fantômes, dans les ruines du manoir de votre famille, comme vous l'aviez soupçonné. Il avait cédé à la faim de mana depuis bien longtemps et avait presque l'attitude d'une bête sauvage. Il était ce que vous appelez un déshérité.
- Quelle horreur ! Cela devait faire des années qu'il y errait. Tu as mis fin à son tourment, d'après ce que tu m'as apporté.
- En effet. Aucune discussion n'était plus possible désormais. Il attaquait toute personne à vue comme en témoignait les cadavres à moitié dévoré dans l'atrium.
- Assez ! ordonna Velenor avec une grimace de dégoût. Je sais ce que je voulais, à présent.
- Oui, vous pouvez maintenant prétendre à la fortune de votre famille vu que vous devenez le dernier héritier.
- Ne parles pas si fort !
L'elfe regarda autour de lui, méfiant.
- Je ne veux pas que cette histoire s'ébruite trop avant que l'or ne soit en sécurité dans mon coffre personnel.
- Je n'en doute pas un instant. Mais je voulais faire remarquer à son excellence qu'au vu de la somme qu'il recevra grâce à mon concours, il serait bon de parler à présent de la récompense que vous évoquiez lors de notre première rencontre.
Le faux respect dont faisait preuve l'assassin irritait Velenor, mais il ne laissa rien paraître en se cachant derrière un sourire de façade.
- Et bien, mon cher, dit-il en désignant la salle d'un mouvement ample de la main. Reste ici autant qu'il te plaira.
- Nous avions convenu d'une récompense en pièces d'or, si ma mémoire ne me trompe pas.
- Tu refuserais mon invitation, mort-vivant ?
Narhilm saisit calmement la poignée de son épée au dessus de son épaule et la tira assez pour faire chanter l'acier de la lame sur le fourreau.
- Méfiez vous, Sin'dorei. Ma patience à ses limites et elles sont grandement diminués lors de mes séjours dans cette ville.
Les deux elfes tenant compagnie au seigneur se levèrent pour s'éloigner, mais celui ci se contenta de fixer le réprouvé d'un air nonchalant. Il glissa le bec de son narguilé entre ses lèvres et inspira à plein poumons avant de souffler la fumée vers le visage de son interlocuteur qui chassa le petit nuage d'un revers de la main.
- Les mercenaires ne savent décidément pas profiter des plaisirs des honnêtes gens. Qu'il en soit ainsi. Mon domestique à l'entré donnera ton dû. Pars, maintenant.
Exécutant une parodie de la révérence du valet, le réprouvé tourna les talons et traversa la pièce vers la petite entrée. Là, l'elfe qui l'avait accueillit lui offrit une bourse remplie d'or, bien conscient de son refus quant à l'offre de son maître. L'assassin prit le petit sac de cuir et l'accrocha à sa ceinture sans un mot avant de s'élancer dans le couloir.
Mais une fois arrivé au milieu, une douleur intense à la tête le fit s'arrêter net. Portant ses mains à son crâne, il poussa un grognement en grimaçant. Une voix qu'il connaissait mais sans savoir d'où murmurait sans sa tête, si fort qu'il en perdit presque l'équilibre.
- Le sud. Va vers le sud.
Narhilm était peut être fou. Peut être entendait-il des choses qui n'existaient pas. Mais cette voix s'était déjà manifestée et jamais elle ne s'était trompée. Quoi qu'il se passe ces prochains jours, quelque chose d'important allait se produire au sud.